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30.6.04

Platon Lebedev en danger

Le 30 juin, Platon Lebedev, directeur financier de la Compagnie Ioukos, a été transféré du bloc médical, où il se trouvait jusqu'alors, dans une cellule ordinaire où s'entassent plus de vingt détenus. Et cela au moment où ses avocats avaient au contraire envoyé une requête à la direction de la prison signalant le mauvais état de santé de leur client.
Platon Lebedev est détenu depuis plus d'un an. Il avait été arrêté, on s'en souvient peut-être, à l'hôpital où il venait d'être placé à la suite d'une crise d'hypertension. Depuis son emprisonnement, son état de santé n'a cessé de se dégrader. A aucun moment il n'a eu accès aux soins médicaux nécessaires, sa famille n'a pas le droit de lui faire passer ses médicaments habituels, les examens prescrits par les médecins qui l'ont examiné (suite à l'intérêt manifesté pour son cas par la Cour Européenne de Justice) n'ont pas été effectués.
En février, lors d'une audience de son procès, il s'est évanoui. Le tribunal a fait appeler les médecins du 03 (SAMU russe) qui l'ont examiné et lui ont fait une piqûre, après quoi on l'a renvoyé sur le banc des accusés et l'audience a continué. Les avocats n'ont pas été autorisés à parler aux médecins qui ont pratiqué cette intervention.
Platon Lebedev souffre de plusieurs maladies chroniques, en particulier d'hypertension et d'une hépatite virale chronique active. Le laisser sans soins en ce moment est un véritable crime, qui non seulement met actuellement sa vie en danger, mais qui raccourcit considérablement son espérance de vie dans l'avenir, laissant se développer dans son organisme un virus impossible à combattre par la suite. Conséquence d'une hypertension chronique mal corrigée, la vue de P.Lebedev s'est dégradée au point que cet hiver, il était incapable de lire son dossier d'accusation sans l'aide d'une loupe spéciale (que les autorités de la prison ont fini par lui retirer).
Le plus élémentaire respect des droits de l'homme voudrait que des personnes bénéficiant de la présomption d'innocence ne subissent pas de préjudices corporels irréversibles durant la période de l'instruction. Mais Platon Lebedev, milliardaire, gentleman imposant qui naguère côtoyait les grands de ce monde, n'est plus qu'un pion, un instrument de chantage dans le grand jeu mené contre Mikhaïl Khodorkovski. Peu importe qu'il mène brillamment sa défense, se battant pied à pied pour faire respecter ses droits, qu'il ne cesse de mettre le tribunal face à ses propres contradictions, que, à peine capable de tenir un stylo, il inonde les autorités judiciaires de réclamations manifestant non seulement une parfaite connaissance de la législation mais aussi une mordante ironie. Peu importe même que le chef d'accusation central de son dossier relève d'une affaire ayant dépassé le délai de prescription.
Depuis décembre de l'année dernière, Lebedev était détenu dans l'infirmerie de la prison. Il n'y était pas soigné mais bénéficiait de conditions de détention à peu près décentes, dans une cellule de trois ou quatre personnes également malades ou en observation. Aujourd'hui, alors que débute son procès et malgré l'aggravation de son état de santé, il vient d'être placé dans une cellule surpeuplée, étouffante et sale. Comme les délits économiques qui lui sont imputés sont qualifiés de "particulièrement lourds", il se retrouve en compagnie de détenus déjà condamnés ou accusés de crimes les plus graves – multirécidivistes, violeurs, dealers, assassins…
26.6.04

Bon anniversaire quand même, Mikhaïl...

Le 26 juin, c'était l'anniversaire de Mikhaïl Khodorkovski. 41 ans.
L'an dernier à la même époque, il célébrait son jubilé au faîte de la gloire. D'autant plus que cela correspondait à peu près à un autre jubilé, les 10 ans de la compagnie Ioukos elle-même. Je ne peux qu'imaginer les cérémonies, les félicitations de ses collègues du monde des affaires, si prompts pour la plupart à se désolidariser de lui après son arrestation, l'empressement des nombreux courtisans qui ne devaient pas manquer de l'entourer Et aujourd'hui, avec deux codétenus dans une cellule de 12 mètres carrés.

Mais pourtant il ne devait pas se sentir seul ce jour là. Le centre de presse récemment mis en place pour assurer la couverture médiatique du procés, qui proposait aux internautes d'envoyer des messages de voeux, en a recueilli plus de cinq mille!!! Parallèlement, le groupe Sovest suggérait de lui envoyer des cartes de voeux à la prison. Enfin, au matin du 26, des groupes d'amis et de sympathisants de Mikhaïl Khodorkovski se sont rassemblés au pied des murs de la prison de Matrosskaya Tishina, et le soir, dans un parc tout proche, un feu d'artifice de 41 salves a salué le prisonnier.
Vous pouvez voir des reportages photo de ces manifestations , , et . Et sans doute aussi ailleurs.

Le 29 juin, Mikhaïl Khodorkovski a transmis par l'intermédiaire de son avocat un message de gratitude au centre de presse :
De tout coeur je vous remercie pour ces voeux d'anniversaire. Les lettres que j'ai reçues, sur papier ou par Internet, les télégrammes et les voeux publiés dans la presse sont pour moi d'un grand réconfort dans la période difficile que je traverse. J'avais reçu beaucoup de cartes de voeux les années précédentes, mais cette année elles sont une dizaine, voire une centaine de fois plus nombreuses. Et le plus important pour moi, c'est qu'elles sont adressées non à l'oligarque mais simplement à l'homme. Merci.
Je tâcherai de prouver que je suis digne de votre soutien.
Respectueusement,
M.B.K.
23.6.04

Nouveau report du procès…

Cette fois à la demande des avocats de Kraïnov, récemment engagés et qui n'ont pas eu le temps d'examiner toutes les pièces du dossier. Notons que les avocats de Mikhaïl Khodorkovski et de Lebedev, et les accusés eux-mêmes, ne semblaient guère enchantés de cette décision, qui ne fait qu'ajouter des jours à leur séjour en prison.
A l'extérieur, les partisans de Khodorkovski scandaient des slogans en faveur de sa mise en liberté. L'un d'eux avait même apporté une guitare et ils chantaient des chansons de groupes russes où figure le mot "Liberté".

Et toujours – les mêmes photos d'hommes en cage…
21.6.04

"Je ne partirai pas de Russie" (ter)

Le 21 juin, dans une interview donnée au journal Financial Times, l'avocat de Mikhaïl Khodorkovski Anton Drel a rapporté une partie du contenu de ses entretiens avec son client. Une fois de plus M.Khodorkovski a confirmé qu'il n'avait pas l'intention de quitter la Russie et qu'il souhaitait se consacrer à des activités sociales.
De plus, a affirmé Anton Drel, Khodorkovski et ses partenaires seraient prêts à des sacrifices financiers, sous des formes qui restent à discuter, pour empêcher la mise en faillite de Ioukos.
18.6.04

Petite phase de détente ?

La Suisse n'est pas la Russie
Les 14 et 15 juin, les tribunaux suisses ont débloqué une bonne partie des comptes bancaires de Ioukos, qui avaient été bloqués à la demande du parquet général russe.
Le Parquet Général suisse est quasiment obligé dans un premier temps d'accéder à la demande de son équivalent russe, avant même de mener sa propre enquête. Mais après vérification, il s'est rendu compte que l'origine de cet argent n'est pas douteuse. Les comptes en Suisse n'étaient pas détenus illégalement, l'expression "Compte en Suisse" n'est pas automatiquement synonyme de fraude et d'évasion fiscale (contrairement à ce que le Parquet Général essaie de faire croire au brave électeur russe), et tout le monde a le droit d'ouvrir un compte où il veut, d'autant plus que comme toute grande banque d'affaires Menatep a ses filières là-bas.
La décision, prise après enquête par les tribunaux suisses (qui ont la mauvaise idée de ne pas être directement reliés par téléphone au Kremlin) de débloquer les comptes de la compagnie équivaut à un désaveu cinglant pour le Parquet Général russe. C'est en effet la preuve que, contrairement à ce qui avait été proclamé par les autorités russes, ces comptes ne correspondent nullement à des opérations illégales et que ce ne sont nullement les comptes personnels de Khodorkovski, mais les fonds de pension de la compagnie. A la place de Natalia Vishnjakova, la porte-parole du parquet général, que l'on a vu et entendu débiter ces fadaises sur tous les écrans de TV russes (deux jours avant la présidentielle – comme c'est bizarre!), je me renverserais un seau de cendres sur la tête!!! Le Parquet Général se retrouve tout bonnement dans la position du menteur.
Quant aux comptes concernés, il ne s'agit pas qu'un véritable "fond de pensions", mais d'un programme social interne à l'entreprise, ce qui non seulement n'est pas illégal, mais est hautement encouragé par le gouvernement russe. Ainsi par exemple, le président patronne un concours de «management social» pour distinguer les entreprises qui font des efforts particuliers pour le bien-être des salariés – politique de salaires, organisation des loisirs, des congés et des soins médicaux, programmes à destination des retraités et des enfants du personnel de la compagnie. En décembre 2002 Ioukos avait été deux fois nominé dans ce concours et Khodorkovski personnellement chaleureusement félicité par le président lui-même. On peut lire cette information même dans les archives du site officiel de la présidence :-)
"La parole est d'argent…" (un "bon mot" du président)
Le 17 juin, lors d'une conférence de presse à Tachkent, Poutine a fait la déclaration suivante (elle est un peu embrouillée, pas facile à traduire!)
"Il n'est pas de l'intérêt du pouvoir officiel, du gouvernement de Russie de mettre en faillite une compagnie comme Ioukos. En ce qui concerne la façon dont vont se dérouler les procès dans les instances judiciaires, c'est une autre chanson. Seules peuvent le dire les instances judiciaires elles-mêmes au cours de l'examen de l'affaire. Les dettes, cela relève des instances judiciaires, pour le moment elles sont en train de les évaluer. Si la loi le permet, je pense que le gouvernement essaiera de faire en sorte de ne pas faire s'effondrer la compagnie." Poutine a ensuite ajouté pour se dispenser de commentaires plus approfondis : "N'importe quelle parole est susceptible d'être interprétée aussi bien par ceux qui sont en ce moment les concurrents de Ioukos sur le marché que par ceux qui veulent le soutenir et par la compagnie elle-même"
Les paroles du président ont en tout cas bien été interprétées par les spéculateurs car les actions de la compagnie se sont immédiatement envolées, gagnant en tout plus de 30%, au point que leur cotation a dû être momentanément interrompue.
17.6.04

Quelques réflexions…

Le nouveau procès Fouquet ?

Le Surintendant des Finances de Louis XIV, on s'en souvient, avait été accusé par le jeune roi Soleil de confondre la caisse de l'État avec sa propre poche et condamné à la prison à vie. Selon certains – romanciers plus qu'historiens – ce serait lui le prisonnier au masque de fer. Or les malversations sur les impôts qui lui furent reprochées avaient été mises an place avec la bénédiction du prédécesseur de Louis XIV dans le but de couvrir les dépenses militaires. Le "facteur personnel" – comme on ne disait pas encore à l'époque – avait également joué un rôle important puisque l'on attribue la décision d'arrêter Fouquet à l'envie de Louis XIV devant la munificence du palais de Vaux-le-Vicomte et les fêtes somptueuses qui y étaient données.
Un parallèle obsédant s'impose à mon esprit depuis un petit moment. Depuis le moment, en fait, où j'ai découvert – petit scoop dont je suis assez fière :-) – un épisode pas très connu de cette affaire.

En 90 la compagnie Ioukos a privatisé l'un des immenses sanatoriums de Crimée ( "Rous' ", c'est-à-dire "Ancienne Russie" ) jadis réservé aux cadres du parti. Comme il était en fort mauvais état, Ioukos a rénové ce bâtiment et s'en servait pour accorder des congés aux travailleurs de la compagnie, qui affrontent toute l'année de dures conditions de vie sur les plates formes de forage sibériennes, pour différentes réunions liés au management de la compagnie ainsi que pour les rassemblements annuels de la «Fédération de l'enseignement par Internet» - un des nombreux projets que finance Ioukos dans le domaine éducatif. Plus évidemment quelques appartements VIP pour la direction, cela va de soi ;-).
Or a l'automne 2001, M.Khodorkovsky a eu la mauvaise idée d'inviter là le président et son épouse, de voyage dans la région. Le lieu a beaucoup plu à Ludmila Poutina, qui s'est aussitôt mise a persuader son présidentiel époux que le sanatorium était beaucoup trop beau pour appartenir à une compagnie privée, qu'il devait revenir à la Direction des affaires présidentielles (Upravlenie delami presidentstva), et servir uniquement (pour ce qui est de sa partie VIP) au repos du couple présidentiel. D'où une longue bataille judiciaire sur la base de soi disantes irrégularités dans l'opération de privatisation, qui a abouti en août 2003 à la confiscation du sanatorium.
Mais certains, à vrai dire, préfèrent comparer Khodorkovski à un autre héros de Dumas que le Masque de fer. Ils l'ont surnommé "Le Comte de Monte-Christo" !

Un "directeur rouge" ?

C'est un paradoxe – il me semble que ce capitaliste n°1 de Russie qu'est Mikhaïl Khodorkovski est resté finalement assez proche des méthodes et des conceptions des "directeurs rouges" de la période soviétique. En effet, si l'on regarde de près, son immense fortune personnelle est presque uniquement composée des actions de la compagnie. En revanche, malgré toutes ses recherches, le Parquet Général n'a pas réussi à découvrir une seule propriété, villa à Saint-Trop, chalet à Courchevel, hôtel particulier à Londres ou ailleurs, yacht ou jet privé appartenant personnellement à Khodorkovski. C'est une différence de taille avec ses collègues oligarques. Il semble que même la datcha - d'un luxe somme toute modéré - dans laquelle réside sa famille ne lui appartienne pas en propre. Peut-être, évidemment, est-ce un moyen de payer moins d'impôts. Peut-être, ce n'est pas exclu, est-ce un reliquat de pensée soviétique où, comme disait une blague de l'époque, les "pauvres" apparatchiks ne possédaient rien, la datcha, la voiture, tout était "à l'État". Mais peut-être est-ce tout de même aussi un certain ascétisme, doublé de mépris pour le luxe ostentatoire des "nouveaux russes", de la part de quelqu'un d'origine modeste et plus intéressé par la façon de faire de l'argent que par celle de le dépenser…
16.6.04

Retrouvailles

Le 16 juin a eu lieu la première séance du procès commun de Mikhaïl Khodorkovski, Platon Lebedev et Andreï Kraïnov. La séance a été brève et le procès a été reporté en raison de l'absence de l'avocat de Khodorkovski, Genrikh Padva, opéré d'un œil un ou deux jours avant. Au cours de la séance ont été rejetées les demandes de mise en liberté déposées par Khodorkovski et Lebedev. Pour la défense en effet, les deux hommes sont détenus illégalement car leur maintien en détention a été renouvelé implicitement, sans faire l'objet d'une décision de justice.
Le procès a été une aubaine surtout pour les photographes et caméramen, autorisés à entrer dans la salle d'audience durant les interruptions de séance. C'était en effet la première fois qu'ils avaient tout loisir de prendre des images des deux actionnaires de IOUKOS depuis leur arrestation.
D'après ces photos et les témoignages des rares journalistes ayant réussi à se faufiler dans la salle d'audience, Platon Lebedev avait l'air vieilli et très fatigué. Assis très droit, il semblait n'accorder aucune attention aux journalistes et ne parlait qu'à son compagnon d'infortune. Mikhaïl Khodorkovski semblait en meilleure forme, souriait et plaisantait de temps en temps avec les journalistes.
Ces photographies produisent sur le spectateur occidental une profonde impression de malaise. Dans la salle d'audience, les deux hommes sont en effet assis sur un banc placé dans une véritable cage métallique, à peine assez grande pour eux deux. Tout est fait pour rappeler aux prévenus – potentiellement innocents, tout de même, jusqu'au verdict final – leur condition de criminels, pour les humilier physiquement et moralement. Les premières images de ce genre - comme celle qui sert d'illustration à la présente page – sont apparues, on s'en souvient, dès le mois de novembre. A l'époque l'image prise dans les locaux de la prison était montrée sur un écran de télévision dans le tribunal Basmannyj. Comme la prise de vue se faisait à l'intérieur de la prison, la présence de barreaux au premier plan n'avait aucune nécessité fonctionnelle – c'était une pure mise en scène destinée à bien souligner : nous le tenons, cet abominable capitaliste! Il ne nous échappera pas, cet ennemi du peuple! Voilà à quoi il est réduit, l'homme le plus riche de Russie!
Et sans doute dans un premier temps ces images n'étaient pas sans inspirer au spectateur (et électeur) russe une joie mauvaise. Mais presque six mois ont passé et la répétition de ces images semble avoir aujourd'hui un effet inverse. Dans la conscience populaire, le nom de Mikhaïl Khodorkovski évoque de moins en moins le PDG sûr de lui et arrogant de la plus grande compagnie russe, et de plus en plus le prisonnier souriant et modeste que l'on traîne menottes au mains à des audiences dont le résultat est joué d'avance.
D'après un récent sondage effectué par l'institut Levada, 40% des interviewés pensent que Mikhaïl Khodorkovski est inculpé parce que IOUKOS était réellement en infraction avec la loi, 34% voient dans son arrestation une vengeance politique, les autres ne savent pas. Par rapport aux réponses données aux mêmes questions en novembre, l'évolution est tout à fait révélatrice de l'évolution de l'opinion publique russe.
11.6.04

Renvoi d'un juge dans le procès IOUKOS

La juge Natalia Tchebourashkina a été dessaisie du dossier IOUKOS à la demande du Ministère des Impôts et Recettes. Tchebourashkina était la seule juge à avoir accepté de satisfaire une des demandes de la défense.

Une mise en demeure anticipée
L'histoire – fort compliquée – remonte au 14 avril dernier.
Le 14 avril en effet, le Ministère des Impôts et recettes avait mis en demeure la compagnie IOUKOS de verser à l'État près de 100 milliards de roubles (99,375 très exactement), somme qui correspond selon le ministère au montant des impayés d'impôts pour l'année 2000, augmentée des intérêts et des amendes, et l'a assignée en justice. La compagnie avait répondu en portant plainte à son tour, estimant illégales les exigences du Ministère.
Le 16 avril, par mesure de précaution en attendant le verdict sur le fond de l'affaire opposant le fisc russe à IOUKOS, la Cour d'Arbitrage de Moscou avait mis "sous séquestre" l'ensemble des actifs de la compagnie, interdisant de vendre, aliéner ou hypothéquer toute partie de ses actifs à l'exception des opérations de production courante, et interdisant également toutes les opérations sur les actions possédées par la compagnie. Cette décision, notons le, en interdisant à la compagnie de réaliser une partie de ses actifs afin d'obtenir les liquidités nécessaires au remboursement de sa "dette", la mettait tout simplement hors d'état de satisfaire les exigences du Ministère.
Le 19 mai, à la demande de IOUKOS, la Cour d'Arbitrage en la personne de la juge Natalia Tchebourashkina avait suspendu la mise en demeure adressée à la compagnie par le Ministère. Tchebourashkina avait en effet estimé que cette mise en demeure ne pouvait pas intervenir AVANT que la justice n'ait rendu son verdict sur le fond de l'affaire, c'est-à-dire sur la légitimité des exigences du Ministère. Et cela dans les deux procès – celui initié par le Ministère et celui initié par la compagnie.
Il s'agissait d'une décision importante pour la compagnie, car la mise en demeure de paiement pouvait entraîner la faillite immédiate ou la saisie de la compagnie, incapable d'y faire face.
Le 1er juin, après que la Cour d'Arbitrage (juge Greshishkine) ait rendu un verdict favorable au Ministère sur le fond de l'affaire, la même Cour d'Arbitrage (avec la juge Tchebourashkina cette fois) a maintenu sa décision du 19,rejetant ainsi la requête déposée par le Ministère des Impôts et Recettes, et motivant son verdict par le fait que le verdict dans le deuxième procès (celui initié par IOUKOS) n'avait pas encore été prononcé, et que de toute façon les parties auraient encore ensuite la possibilité de faire appel.
A la suite de cela, le Ministère a récusé la juge Tchébourashkina, en mettant en cause son objectivité.

Une séance édifiante
Le journal "Gazeta" donne une description précise de la façon dont ce renvoi a été décidé. La décision revenait au premier vice-président de la Cour d'Arbitrage Nikolaï Logunov. Les représentants du Ministère de Impôts et Recettes ont commencé à exposer les arguments justifiant, pour eux, le renvoi de la juge Tchebourashkina. Aucun ne résistait à la critique argumentée faite par Logunov et certains témoignaient même d'une ignorance coupable de la législation. Cependant, à la fin du discours du représentant du Ministère, le téléphone a retenti sur le bureau du vice-président Logunov. Il a pris la communication, à la suite de quoi il s'est isolé pendant deux heures (!) pour prendre sa décision. A son retour, signale le journal, le juge était pâle et, sans regarder personne, a lu sa décision de récuser Tchébourashkina, reprenant mot-à-mot les arguments des représentants du Ministère – dont il avait prouvé l'inconsistance à peine deux heures auparavant.
8.6.04

Khodorkovski et Lebedev seront jugés ensemble...

Le 8 juin, lors de la deuxième audience préliminaire du procès Khodorkovski, le Tribunal Meshchanski de Moscou a pour la première fois pris une décision correspondant à la décision de la défense.
Il s'agit de la réunion de deux affaires – celle de Platon Lebedev et celle de Mikhail Khodorkovski et Andreï Kraïnov (il s'agit de l'ex PDG de l'entreprise Volna, premier acquéreur des actions de l'entreprise APATIT, et dont Platon Lebedev s'était porté garant lors de l'opération d'acquisition de ses actions). La demande en avait été faite en premier par les avocats de Lebedev, puis par les avocats de Khodorkovski. Le procureur Chokhin, qui était jusque là opposé à la fusion des dossiers, n'a pas cette fois-ci émis d'objection.
Selon les avocats de la défense, il s'agit avant tout d'une question de bon sens – ils aurait été en effet difficile de mener simultanément mais séparément ces deux procès, dans le même bâtiment, avec les mêmes témoins… Cela présente pour eux l'avantage de permettre aux deux accusés de témoigner ensemble, d'accorder leurs dépositions, et tout simplement de se soutenir moralement l'un l'autre...
Le procès sera mené collégialement par trois juges, dont Irina Kolesnikova, qui devait initialement être seul juge dans le procès Khodorkovski. Cela correspond à le demande de Platon Lebedev, qui a estimé qu'un collège de trois juges avait des chances d'être plus objectif et moins influençable qu'une seule personne.
Enfin, il a été décidé que les audiences du procès seraient publiques, ce qui correspond à la demande de la défense, des ONG et, on s'en souvient, au souhait du président russe lui-même.
L'audience préliminaire s'est quant à elle déroulée à huis-clos.
3.6.04

Toutes mes excuses…

… pour la périodicité fort peu régulière avec laquelle ce site est mis à jour.
Tentons de rattraper le temps perdu. Aussi les dates indiquées ne correspondront pas aux mises à jour mais aux évènements eux-mêmes.
L'Observatrice, le 20 juin 2004
2.6.04

Quelques suppositions

On peut donc se demander ce que "cache" ce report de séance. Et comme toujours, plusieurs versions incompatibles entre elles apparaîssent plausibles.
Version n°1
Les négociations entre les actionnaires de Ioukos continuent et elles ont encore besoin de temps pour aboutir.
Evidemment, ce n'est pas impossible. Mais on peut se demander pourquoi elles aboutiraient maintenant si en six mois aucune solution n'a pu être trouvée. Est-ce la nomination de l'ex-directeur de la Banque Centrale Victor Gerashchenko au Comité de Direction de Ioukos qui changerait le tableau de façon si radicale?
Version n°2
Tout est joué et le pouvoir cherche à anéantir totalement Khodorkovski, mais il a encore besoin de renforcer les thèses de l'accusation.
Quelque jours auparavant, on s'en souvient, la cour d'arbitrage de Moscou a reconnu la compagnie Ioukos coupable de fraude fiscale.
Or dans cette décision de justice ne sont mentionnés que les noms des comptables de la compagnie, et non pas ceux de Lebedev et de Khodorkovski. Du coup, une grosse partie des accusations de fraude fiscale portées contre eux personnellement s'effondre. Le Ministère des Impôts et Recettes s'est rendu compte qu'il a fait une méga-gaffe et a donc demandé une semaine supplémentaire pour rédiger à nouveau ses accusations.
Version n°3
Le pouvoir est fort ennuyé par l'affaire Khodorkovski, car les accusations sont absurdes et s'effondreraient dans le cas d'un procès équitable, et cette affaire nuit à l'image du Président russe à l'étranger. Il ne veut pas passer pour sanguinaire en condamnant Khodorkovski à une lourde peine à l'issue d'un procès bidon, mais il ne veut pas non plus perdre la face.
La solution : gagner du temps. En effet, l'accusation de fraude fiscale est déjà mise à mal par la façon dont est rédigé le verdict dans le procès Ioukos, quant à l'affaire APATIT, elle touche à la fin du mois de juin au délai de prescription. Ne reste que l'accusation de fraude fiscale à titre personnel, ce qui n'ira pas chercher bien loin : six mois fermes - déjà effectués et le reste en conditionnelle.
Question : Khodorkovski conserverait-il ou non Ioukos dans ce cas de figure, le plus optimiste?

Pourquoi l'Observatoire?


L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003, il a été condamné à l'issue d'un procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.



M. Khodorkovsky durant son procès


Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine. La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté aux partis d'opposition lors des dernières élections.
Parallèlement, la compagnie YUKOS dont il était également le principal actionnaire a été soumise à des redressements fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de prétexte à confiscation de la plupart des actifs de la société.
Pour tenter de pallier un certain déficit d'information en langue française, je me propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme "le procès du siècle".

L'Observatrice



Recherche sur le site:

Articles précédents


Vladimir Pereverzine, libre et révolté.

Bonne Année 2012 !

15 décembre.

Khodorkovsky - LE FILM.

Vassili Alexanian, une interview inédite.

Vassili, le dernier adieu.

Vassili Alexanian est décédé

Le Figaro: Au dernier jour de son procès, Khodorko...

Point final dans l'Affaire Alexanian

Le Figaro: Plus de procès pour un ancien de Ioukos



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L'affaire Yukos sur Internet


Centre de Presse de Mikhail Khodorkovsky
Centre de Presse de Mikhail Khodorkovsky (en anglais et en russe)

Centre de presse de Platon Lebedev
Centre de presse de Platon Lebedev en anglais et en russe

SOVEST - Groupe de soutien à Mikhail Khodorkovsky
Groupe "SOVEST" ("Conscience" en russe) : Groupe de soutien à Mikhail Khodorkovsky (en français)

The Mikhail Khodorkovsky Society
The Mikhail Khodorkovsky Society (blog anglophone)

Yukos Shareholders Coalition
Coalition des actionnaires de Yukos pour poursuivre en justice le gouvernement russe (anglais)

Dossier du journal Novaya Gazeta sur l'affaire Yukos
Dossier du journal d'opposition Novaya Gazeta sur l'affaire Yukos (en russe)

Fond Mission libérale
Excellent site du Fond "Mission libérale" (en russe). Sur l'affaire Yukos et, beaucoup plus largement, sur le libéralisme en Russie

Bibliographie


Je vous propose une sélection de documents en français, anglais ou russe


Sur le procès et l'affaire Yukos

Patrick Klugman : En défense de Mikhail Khodorkovski

André Gluksmann : Mikhail Khodorkovski prisonnier de la verticale du pouvoir

Film BBC "Russian Godfathers 2: The Prisoner" (Youtube, en 6 parties)

Rapport d'experts étrangers sur le déroulement du procès (eng, .pdf, 81 KB)

Analyse des accusations par les avocats de la défense (eng, .pdf, 153 KB)

Sur Mikhail Khodorkovsky

"Le roi du pétrôle piégé par ses ambitions", Hélène Depic-Popovic, Libération, 27.10.2003

"La mutation d'un oligarque", Nathalie Nougayrède, Le Monde, 21.11.2003

"A falling Tsar", Chrystia Freeland, The Financial Times, 01.11. 03 (eng)

"Yukos, a Case Study" by Konstantin Korotov, Stanislav Shekshnia, Elizabeth Florent-Treacy and Manfred Kets de Vries, (eng, .pdf, 589 KB)

L'affaire Yukos dans :


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